Les étirements c'est de la m**de
Feb 08, 2018Cet article est adapté de l’excellent article original de Menno Henselmans : « Stretching is B.S.»
Si vous êtes un pratiquant sérieux de musculation, il y a des chances pour que vous vous étiriez déjà pas mal ou que vous pensiez que vous devriez vous étirer plus. Historiquement, les étirements étaient considérés comme une activité « qui ne peut pas faire de mal », sans que personne n’y réfléchisse vraiment à part les gens fréquentant un studio de yoga.
Mais au cours des deux dernières décennies, les gens ont commencé à prendre conscience que le stretching n’était pas vraiment le saint graal de l’entraînement intelligent. Nous savons désormais que le stretching doit être mis en place de façon stratégique et pas à n’importe quel moment, que les différentes modalités d’étirement comme les étirements statiques, dynamiques et CRE ont différents effets, et qu’utiliser le mauvais type d’étirement peut faire plus de mal que de bien.
En résumé, nous avons pris conscience que les étirements sont limités dans leur utilisation, et qu’ils ne sont pas la panacée à laquelle n’importe quelle fit girl en yoga pants voudrait nous faire croire. Et pour couronner le tout, nous sommes là pour porter le coup de grâce.
Avertissement tout ce qu’il y a de plus formel : toutes les informations fournies dans cet article sont destinées à des individus neurologiquement intacts et asymptomatiques. Les populations cliniques devraient consulter leur thérapeute avant de mettre en oeuvre les approches préconisées dans cet article.
Pour ceux qui ne sont pas tout à fait au courant des avancées des connaissances sur le stretching, en voici un résumé :
- Les étirements, quelle qu’en soit leur forme, ne réduisent pas les courbatures
- Les étirements statiques, avant ou après un exercice, n’empêchent pas et de surcroit, pourraient même favoriser les blessures
- Étirer un muscle de manière statique avant un effort diminue ses performances ultérieures
- Les étirements statiques n’augmentent pas la force ou la prise de masse musculaire induites par l’entraînement en musculation
En accord avec ces résultats, l’idée que le stretching est bien et qu’en faire plus c’est mieux a été remplacée par le conseil selon lequel nous devrions faire des étirements dynamiques avant l’entraînement, et statiques après. Les étirements dynamiques seraient destinés à augmenter la mobilité, et les étirements statiques à augmenter la souplesse.
De plus, il est généralement admis que nous n’avons pas à étirer chaque muscle, seulement ceux qui ont été raccourcis suite à un entraînement ou à des activités quotidiennes.
C’est fondamentalement faux.
Pour comprendre pourquoi, regardons d’abord ce qui se passe quand nous étirons un muscle. De manière générale, il existe trois mécanismes par lesquels l’amplitude d’un mouvement, passive ou active, peut être augmentée :
- La viscoélasticité augmente : Pour faire simple, plus un muscle est élastique, plus il peut être étiré. Cependant, la viscoélasticité n’est pas la même chose que l’élasticité, et pour cette raison les muscles ne se comportent pas du tout comme des élastiques, contrairement à ce que l’on entend bien souvent.
- « Comme les matériaux solides, ils présentent une élasticité en revenant à leur longueur d’origine une fois la force de traction éliminée. Et comme les liquides, ils se comportent également de manière visqueuse, car leur réponse à une force de traction dépend de la vitesse de traction et du temps » (Weppler & Magnusson, 2010).
- La tolérance neurale à l’étirement augmente : plus le système nerveux est permissif, plus il permet aux structures musculo-tendineuses d’atteindre une amplitude importante. Il y a plusieurs mécanismes, comme l’activation du reflex agoniste, qui contribuent à l’augmentation de l’extensibilité, mais utilisons la tolérance neurale à l’étirement comme un terme résumant tous les processus neuronaux à l’oeuvre ici.
- La longue des muscles augmente : Plus un muscle est long, plus son amplitude est longue. En tant que tel, une augmentation de l’amplitude peut être due à l’un de ces facteurs. L’hypothèse de la plupart des programmes d’étirements est que la longueur des muscles augmente. Cependant, cette hypothèse est basée sur des recherches extrêmement datées et méthodologiquement imparfaites, avec l’utilisation d’une terminologie impropre.
Lorsque vous étirez un muscle, voilà ce qu’il se passe en réalité concernant les propriétés énoncées ci-dessus :
La viscoélasticité peut augmenter après un stretching intensif, c’est à dire de plus de deux minutes, mais ce n’est que temporaire.
Selon la quantité d’étirements, la viscoélasticité revient à la normale dans les 10 minutes suite à un étirement de 2 minutes ; ou 20 minutes après 4 à 8 minutes d’étirement ; ou une heure après une séance de yoga particulièrement hardcore.
La tolérance à l’étirement augmente :
Comme c’est un apprentissage neural, comme mémoriser des mots, c’est une adaptation plus permanente. Cependant, la tolérance accrue à l’étirement se perd avec le temps, et peut être renforcée par la répétition, tout comme les mots sont progressivement perdus du vocabulaire et gardés en mémoire avec la répétition.
La longueur des muscles (et des tendons) reste exactement la même :
Lorsque vous étirez un muscle, aucune adaptation structurelle permanente ne se produit. Tout ce que vous faites avec la plupart des programmes d’étirement est d’enseigner au système nerveux qu’il est normal de détendre la muscle un peu plus lorsqu’il est étiré.
La majeure partie de l’adaptation neurale est en fait une augmentation de la tolérance à la douleur. Toute augmentation de l’amplitude du mouvement encore présente le lendemain de l’étirement est due à des adaptations purement neurales.
Permettez-nous d’insister sur ce point : vous ne pouvez pas augmenter la longueur d’un muscle en l’étirant.
Ceci a donc des implications profondes pour l’utilisation des étirements pour la souplesse, l’échauffement et la correction posturale.
La souplesse
Si vous vous étirez pour devenir plus souple ou plus mobile (nul besoin ici de faire de distinction pratique entre ces deux termes) le succès de cette stratégie est déterminé par votre objectif exact.
Faire par exemple n’importe quel étirement donné pour les ischios jambiers n’augmentera pas leur longueur, donc cela présentera peu d’intérêt pour toutes les autres postures d’étirements impliquant les ischios. Vous devez définir exactement pourquoi vous voulez devenir plus souple, en tenant compte du fait que les adaptations de votre corps à l’étirement suivront le principe de spécificité.
Pour les bodybuilders, l’entraînement de la souplesse est seulement utile pour améliorer l’amplitude des mouvements des exercices que vous voulez réaliser, mais que vous ne parvenez pas à faire à l’heure actuelle avec une amplitude complète. Conformément au principe de spécificité, vous devez faire en sorte que les étirements imitent le mouvement souhaité aussi fidèlement que possible.
Par exemple, si vous voulez être capable d’utiliser une prise de main plus serrée au squat ou d’utiliser une prise d’épaulé au front squat, vous devriez vous mettre sous la barre et mettre vos mains dans cette position. Essayez d’approcher la position désirée, et maintenez-la.
Un étirement statique de faible intensité comme celui-ci (juste inconfortable, pas douloureux) est aussi efficace, voire plus, qu’un étirement plus intense. La durée optimale semble être d’environ 30 secondes. Après quoi peu d’adaptations ont lieu.
Si vous voulez augmenter votre amplitude sur un mouvement, comme le squat, la technique la plus efficace est tout simplement de réaliser l’exercice. Assez ironiquement, ce sont souvent les plus fervents détracteurs des exercices d’isolation qui prescrivent des étirements en isolation dans cette optique. Quelqu’un a dit Crossfit ?
Cependant, contrairement aux étirements, l’entraînement en musculation peut également augmenter la longueur des muscles. La clé est de renforcer le muscle de façon excentrique dans sa position étirée.
Si quelqu’un a les ischios courts, faire du good morning et du soulevé de terre roumain est plus efficace que n’importe quelle quantité d’étirement.
Pour ce qui est de la progression, vous devriez être capable d’effectuer la plupart des mouvements de force après seulement quelques séances. Si après deux mois d’étirements fréquents vous ne pouvez toujours pas effectuer un mouvement, vous avez probablement une mauvaise technique, un déséquilibre musculaire ou des restrictions au niveau de vos tissus.
Si vous avez écarté tout ce qui précède et que vous êtes encore trop raide, vous avez atteint votre limite de souplesse génétique. C’est beaucoup plus simple et beaucoup plus commun que d’atteindre son potentiel musculaire génétique. Certaines personnes ne pourront simplement jamais squatter jusqu’à la parallèle.
L’échauffement
D’après les résultats énumérés en introduction, faire des étirements statiques avant vos séances d’entraînement est une très mauvaise idée. Les étirements dynamiques sont également inutiles, bien que certains des exercices d’échauffement les plus efficaces soient des étirements dynamiques.
D’après le principe de spécificité, vous devriez garder à l’esprit ce pour quoi vous préparez votre corps pendant l’échauffement. Activez les muscles qui ont besoin d’être activés, faites quelques exercices d’étirements dynamiques poly-articulaires, et commencez votre mouvement principal. Parfois il suffit de réaliser les séries d’échauffement du mouvement pour lequel vous vous préparez.
Quoi que vous fassiez, vous ne devriez normalement pas en avoir pour plus de 5-10 minutes. Les échauffements sont souvent surestimés, et les preuves empiriques selon lesquelles l’échauffement intensif améliore les performances ou réduit les blessures sont faibles. De plus, du point de vue de l’évolution, cela n’aurait pas de sens si les humains avaient besoin d’échauffements prolongés.
La posture
Oubliez dès maintenant tout ce que vous pensez savoir à propos des muscles raides, courts, longs ou faibles. La posture est principalement le résultat d’une programmation neurale : l’activation relative de tous les muscles de votre corps détermine votre posture.
Il a été démontré à maintes reprises que les étirements et la musculation avaient peu ou pas d’effet sur la posture. Cela a du sens, parce que l’étirement n’améliore pas réellement la longueur des muscles et ne peut donc affecter la posture que par ses effets neuronaux.
La musculation et la correction des déséquilibres musculaires peut également aider, mais en réalité très peu de force maximale est nécessaire pour maintenir une posture optimale. De la même façon, il n’y a pas non plus de consensus sur ce qui constitue la posture optimale ou la longueur des muscles.
Qu’est-ce qui détermine la posture d’une personne dans ce cas ? Dans l’ensemble, le mode de vie. Le sport, la musculation et les étirements affectent tous la posture, mais la durée du maintien est beaucoup plus importante que la force appliquée en ce qui concerne la posture, et toutes ces activités sont donc insignifiantes comparées à votre mode de vie.
Il n’est pas rare de voir des athlètes professionnels présenter une biomécanique étonnante pendant leur performance, mais une posture atroce dans la vie quotidienne. C’est le résultat de la formidable capacité du corps à s’adapter à une tâche de manière spécifique.
Donc si vous voulez améliorer votre posture, oubliez les étirements et la musculation. Vous faites déjà tout ce que vous pouvez à cet égard si vous suivez un bon programme. La vraie solution, c’est que l’esprit l’emporte sur le corps. Comme pour essayer de vous débarrasser d’un tic, vous devez en prendre conscience et ensuite le corriger. De façon répétée. Et pendant longtemps.
Avec le temps, votre posture s’améliorera.
Un travail sur les tissus peut également aider, surtout si quelque chose est vraiment déréglé, mais au final il s’agit surtout de programmation neuronale. Si vous voulez corriger votre posture, vous devez simplement adopter la posture désirée jusqu’à ce qu’elle devienne automatique.
Notes de fin
Les étirements sont l’un des plus grands mythes de l’industrie du fitness. Les faits sont connus, le jury a délibéré et le verdict est clair : l’utilité des étirements statiques est sévèrement limitée.
Peut être est-il préférable d’abandonner complètement le terme, parce que rien n’est étiré de façon définitive pendant les « étirement ». Pour les utilisations futures, nous proposons l’utilisation du terme développement de la tolérance à l’étirement.
Quoi qu’il en soit, ne laissez pas de pratiquant de musculation sain d’esprit se soumettre à plus de 5 minutes de cette activité fastidieuse par jour.
Informations à retenir :
- Vous ne pouvez pas augmenter la longueur d’un muscle en l’étirant. Vous pouvez seulement augmenter votre tolérance neurale à l’étirement.
- Pour augmenter la souplesse, souvenez-vous du principe de spécificité. La meilleure façon d’augmenter l’amplitude passive est de pratiquer un étirement statique de 30 secondes dans une position aussi proche de la position souhaitée que possible. La meilleure façon d’augmenter l’amplitude active est d’effectuer le mouvement souhaité contre une résistance pour repousser votre amplitude maximum.
- Assurez-vous que vos échauffements restent courts et précis. Préparez votre corps à la tâche spécifique à venir.
- Si vous voulez changer votre posture, Vous devez en prendre conscience et la corriger jusqu’à ce que votre nouvelle posture devienne automatique.
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